C’est normal, rassure le professeur Daniel Marcelli. L’adolescence marque la fin de la transparence entre un enfant et ses parents. À eux de l’accepter… dans certaines limites.
« L’autre jour, votre fils a prétendu dormir chez son meilleur ami, lequel a raconté la même histoire à ses parents. En réalité, tous deux ont passé la nuit à faire la fête chez un copain… En quelques secondes, les questions se bousculent : comment a-t-il pu mentir aussi effrontément ? Est-ce inquiétant ou banal ? Comment sanctionner la transgression ? Les adolescents, pour conquérir leur autonomie, ont besoin d’échapper à l’emprise familiale. D’où l’émergence, vers 12-13 ans, de menus mensonges et autres cachotteries, destinés à se créer un espace de liberté. Peinés d’avoir perdu leur belle complicité, furieux d’avoir été trompés, les parents mettent l’accent sur la perte de confiance (“Je suis très déçu”) et la sécurité (“Je veux savoir où tu es et avec qui”). Une réaction défensive qui masque le désir de garder le contrôle.
L’adolescence marque l’entrée dans une ère de relative opacité qu’il faut accepter, au risque sinon de freiner son autonomie. Ce préalable posé, les parents doivent dissocier la dissimulation du gros mensonge. Falsifier une signature ou piquer dans le porte-monnaie familial est plus grave qu’omettre de signaler une punition pour bavardage, et nécessite une prise de position ferme, assortie d’une période de surveillance. Les parents auront soin de réfléchir aux origines possibles du mensonge :
- L’ado est-il en difficulté au collège ?
- Lui donnent-ils assez d’argent de poche ?
- Leur arrive-t-il de prendre des libertés avec la vérité ?
Les enfants menteurs ont souvent été confrontés à des adultes peu fiables, ou qui ne leur ont pas donné les moyens de développer leur autonomie. Certains jeunes fabulent en permanence, s’inventant des vies palpitantes pour se valoriser auprès de leurs copains, d’un père ou d’une mère peu attentifs. Il se peut aussi qu’on leur ait caché un secret : une filiation honteuse, un suicide… Inconsciemment, ils reproduisent le comportement de parents qui feraient mieux de lever le voile plutôt que de stigmatiser leurs mensonges. »