Philosophie de vie, principes de santé, intérêts et limites par Khadija Benslima
Beaucoup pensent que le régime Macrobiotique consiste à manger des graines, des céréales complètes et de la soupe miso. D’autres pensent que cela consiste en une éviction pure de tout ce qui est cru et sucré. Enfin il y a les alarmistes qui mettent en garde (sans connaître grand-chose à l’alimentation) contre ce régime qui n’apporterait pas les besoins en nutriments essentiels (notamment en Vit D, vit B12, Vit C et Ca) et serait donc dangereux pour les enfants et les adolescents.
En réalité, ils sont bien loin de la vérité, car la Macrobiotique (tout comme la Naturopathie et l’Ayurveda), est une approche holistique de l’individu, qui vise avant tout la prévention des maladies et l’optimisation de la santé. C’est pourquoi avant d’aller dans les détails de ce régime, il est essentiel de comprendre quels sont son origine, sa philosophie et ses principes. En dernier lieu, je reviendrais sur ses intérêts, les critiques et mon opinion personnelle sur le sujet.
D’où vient la Macrobiotique ?
L’origine du macrobiotisme remonte au Taôisme, il ya plus de 2500 ans et constitue donc la plus ancienne technique de soin. George Ohsawa dans les années 1950-60 est celui qui a fait connaître sa philosophie au monde entier et particulièrement en France où il a vécu et écrit de nombreux livres.
Quelle est la philosophie de la Macrobiotique ?
Tout d’abord, il faut préciser que la macrobiotique n’est pas un régime, mais un art de vivre issu de la philosophie ZEN. Ceci implique que l’alimentation est une de ses applications et son objectif est d’entretenir la santé et d’assurer une longévité maximale, « Macrobiotique » signifiant littéralement principe de longue vie.
Ce mode de vie implique d’être acteur de ses choix, de réduire son ego, de pratiquer la pleine conscience, de diminuer tous désirs superflus, de respecter l’environnement, et de veiller à ce que l’énergie (QI ou CHI) circule librement.
Sur quel concept repose la Macrobiotique ?
Selon cette philosophie, l’univers et tout phénomène de vie et de matière sont soumis à deux polarités opposées appelées Yin et Yang. Ces forces opposées s’attirent pour mieux se compléter.
La philosophie du Tao (ou « principe unique ») consiste à à recréer l’unité perdue à travers la recherche d’un équilibre entre ces deux forces.
Cette médecine par l’alimentation ne considère pas la maladie comme un ennemi à combattre, mais comme une rupture de l’équilibre Yin-Yang, comme un avertissement, et la macrobiotique constitue un moyen de corriger le terrain plutôt que les pathologies.
Le YIN et LE YANG
Le Yin est une force d’expansion et de dilatation, (qui sort de la terre vers le ciel).
Sont Yin : La terre, la nuit, l’obscurité, les couleurs froides, la lune, ce qui est rond, flexible, féminin. C’est une force réceptrice, avec une capacité d’intériorisation forte.
Les personnes Yin seront donc plutôt longilignes et fines, ou à l’inverse très rondes et pâles (eau), plutôt calmes, pacifiques, créatives et sociables, intuitives.
Le Yang est caractérisé par une force de contraction concentration (qui va du ciel vers la terre).
Sont Yang : Le ciel, le jour, la lumière, les couleurs chaudes, le soleil, ce qui est angulaire, rigide, masculin.
Les personnes Yang seront donc plutôt « concentrées » de type bilieux et sanguin en Naturopathie. Elles seront donc plus actives, vitales, alertes, dynamiques, portées vers l’action, la raison, le rationnel, le matériel.
Au niveau de l’alimentation comment cela se traduit-il ?
- Sont Yin : Les fruits, les végétaux ce qui est froid, cru, aqueux, juteux, acide, sucré, gras, alcoolisé. Le Champagne (Froid, bulles, Acide, Alcoolisé), est une boisson Yin de Yin .Les sodas, dont par exemple le fameux Cola, sont des boissons froides, noires, très acides, sucrées, et sont donc également Yin de Yin.
- Sont Yang : les viandes, la cuisson, ce qui est rôti, grillé (Feu), séché (champignons, fruits secs), le goût amer, le sel, les céréales, les oléagineux, les graines …
Notre société actuelle, vous l’aurez compris d’après cette description, tend à se «Yiniser » que ce soit à travers une alimentation toujours plus grasse, sucrée, dévitalisée et alcoolisée, mais également avec une tendance à subir, à être statique, immobile, observateur et impuissant.
Le régime macrobiotique sert à rééquilibrer les yin et Yang
Pourquoi, me direz-vous ?
Peut être pour compenser une force opposée qui nous comprime, nous étouffe. Cette force Yang, à travers laquelle cette même société nous incite à être toujours plus en mouvement, alerte, à ne jamais s’arrêter, à consommer toujours plus, à nous saturer d’informations anxiogènes dans un état de manque, ce qui tend vers une insatisfaction permanente, des frustrations, des comportements irritables, voir agressifs ou violents.
Ainsi, les maladies chroniques, les surcharges, les carences, les terrains oxydés, les cancers sont des maladies YIN alors que la fièvre, l’hypertension artérielle, l’inflammation, la constipation, sont des symptômes plutôt Yang.
La diète macrobiotique invite donc à retrouver un équilibre entre ces deux forces en tendant cependant vers une alimentation plutôt Yang pour alcaliniser, réchauffer et reminéraliser ces terrains acides et inflammatoires qui font le lit des maladies de civilisation que l’ont connait aujourd’hui.
Du fait de notre responsabilité vis-à-vis de la maladie, il convient de se prendre en charge et non de s’en remettre aux autres pour masquer et engendrer un plus grand déséquilibre.
Le Principe de la diète Macrobiotique
Un repas macrobiotique équilibré doit toujours contenir :
Un peu de potage pour apporter un peu de liquide chaud, reminéraliser et préparer l’organisme à la digestion des aliments plus solides.
- Des légumineuses qui apportent des protéines, et qui en association avec les céréales assurent un repas protéiné complet avec les 8 acides aminés éssentiels.
- Des algues pour leur apport en protéines, minéraux, et oligo-éléments comme l’iode.
- Des céréales toujours intégrales qui apportent des fibres et des glucides à chaîne complexe donc qui ne perturbent pas la glycémie. Le riz et le sarrasin sont prioritaires.
- Il est possible de varier avec 10 % de protéines végétales fortes comme le Soja, tofu, tempeh, seitan.
- Des légumes pour leur apport en vitamines, minéraux, fibres.
- Il n’y a généralement pas de dessert ou en très petite quantité.
Voici les proportions recommandées avec les indications de ce régime :
- Cuisson : 95 % de cuit en hiver et 80 % en été.
- Oléagineux : Sésames, noix, amandes, courge qui vont apporter les acides gras poly insaturés (oméga 3) ainsi que des minéraux.
- Assaisonnement : Vinaigre de cidre ou mieux de riz, sauce soja ; raifort (wasabi), gomasio (sésame grillé et salé)
- Graisse : HVPPF (Huile Végétale de Première Pression à Froid) et Huile de sésame. Le Tahin remplace le beurre.
- Sucre : Remplacer les sucres à index glycémique très élevés comme le sucre, le miel, le sirop d’agave, par des sucres complexes des céréales (qui vont entrer progressivement dans le sang) comme le Malt d’orge, le sirop de riz, de blé, de maïs.
- Boisson : Eau, potage, thé.
- Autres : Aliments de saison, biologiques, de proximité (milieu tempéré),
- Mastication, conscience, calme
A EVITER :
- Les mauvaises associations:
- L’association d’une protéine principale forte (viande poisson, œufs) et des céréales (Pain, Pâtes, riz, ….), est déconseillée, car les protéines se digèrent dans l’estomac (pepsinogène, alors que les céréales sont des glucides lents qui commencent leur dégradation dans la bouche (grâce à l’amylase salivaire) et se termine en milieu basique dans le duodénum, (intestins)
- De la même façon, les acides et les sucres (les céréales) se digèrent mal ensemble.
- Les fruits doivent être pris loin des repas, car ils produisent des fermentations s’ils sont pris en fin de repas.
- Les produits laitiers : En dehors du fait que le lait d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec le lait de nos grands-parents et qu’il contient antibiotiques, hormones, protéines allergisantes, lactose indigeste, les produits laitiers sont, sur le plan symbolique, considérés comme infantilisants. En effet ; dans le règne animal, le lait est dédié aux petits, et contient beaucoup d’hormones de croissance pour grandir très vite. Il n’est donc pas adapté à l’adulte.
- Tomate Poivrons Aubergines (famille de plantes Solanacées) sont déconseillés, car ils contiennent, même en petite quantité un alcaloïde « la solaline » qui est toxique si consommée en quantité.
- Tous les sodas, alcools, confiseries, sucreries, gâteaux, et produits transformés sont bannis.
- Les viandes rouges et charcuteries sont déconseillées et les poissons tolérés en petite quantité.
Afin de s’adapter progressivement et de ne pas changer ses habitudes du tout au tout, George Oshawa propose 10 stades avec une évolution qui part du stade de base, le plus souple (omnivore, puis végétarien, végétalien… au plus strict, le stade purement céréalien).
Quels sont les intérêts de ce régime ?
Le régime Macrobiotique est, au niveau « Naturopathique », un régime alimentaire intéressant, car il met en avant les mêmes valeurs :
- Il est riche en protéines végétales, en fibres, pauvre en sucres rapides, et graisses saturées ce qui en fait un régime très prisé par les personnes voulant perdre du poids.
- Il apporte également des vitamines et minéraux par les légumes, les végétaux de la mer (Kombu, nori, wakame, …), les oléagineux, et les produits fermentés.
- Ces derniers (Miso, tempeh, Tamari, soja, Pickles…) ont en plus ont l’avantage d’apporter de bonnes bactéries aux intestins assurant un bon équilibre de la flore intestinale et donc un système immunitaire efficace et en forme.
- Les mauvaises combinaisons alimentaires sont évitées ce qui favorise une bonne digestion et assimilation.
- Le Macrobiotisme incite à consommer des produits locaux, c’est-à-dire de la même zone climatique, car ils fournissent l’énergie et les besoins nutritionnels propres à ce climat.Pour être en harmonie et cohérence avec la nature, la macrobiotique implique de consommer des produits biologiques, car l’objectif, en plus de protéger nos ressources, est de nourrir nos cellules avec des aliments de qualité. De ce fait, la consommation de produits animaux (déconseillée en théorie) doit respecter plusieurs critères :
- Manger les espèces animales qui ne fuient pas.
- Manger celles qui sont les plus éloignées de nous biologiquement.
- Et enfin, s’assurer qu’ils n’ont pas subi de traitements abusifs.
- Enfin la macrobiotique souligne l’importance de la mastication en tant qu’étape importante de la digestion. Le repas devant également se faire dans le calme et la conscience.
Ce régime engendre-t-il des carences ?
Normalement non puisque l’on a expliqué plus haut, qu’à l’inverse, cette alimentation visait justement à apporter à notre organisme ce dont il a besoin. Cependant plusieurs points sont à prendre en considération pour répondre à cette accusation souvent inappropriée :
- Ce n’est pas un régime à effectuer sans en connaître la théorie, car il faut bien s’assurer de respecter l’assiette recommandée comme vu plus haut.
- Carence en VitamineB12 : L’algue Nori contient en équivalent poids plus de B12 que le foie de Bœuf, réputé pour être l’aliment le plus riche en B12 (13 à 29 mc gr/100 gr pour le Nori versus 10 à 29 mc/100gr pour le foie).
- Les produits lactofermentés (choucroute, miso, tamari), le germe de blé, les œufs en contiennent aussi.
- De plus, il s’agit d’une vitamine que le corps fabrique de lui-même dans les intestins, si toutefois la flore intestinale est équilibrée et qu’il n’y a pas de dysbiose ou de porosité intestinale.
- Vitamine C: Brocolis et choux frisés contiennent deux fois plus de vitamine C que les oranges à poids équivalent ; persil, kale, poivrons également.
- Calcium : L’idée selon laquelle il faut des produits laitiers pour éviter une carence en calcium est un mythe qui s’est écroulé.
- Les légumes les plus riches en calcium sont tous les crucifères (choux chinois, choux de Bruxelles, choux frisés, brocolis), car il est très assimilable.
- Les algues sont dans l’ensemble plus riches en minéraux que les végétaux (en calcium, magnésium, potassium, sodium, souffre, et iode).
- Le sésame, les amandes et le soja contiennent également beaucoup de calcium également bien assimilé.
Carence en Acides gras oméga 3 : Les oléagineux, les graines et les algues sont des composants de chaque assiette, et constituent une excellente source de ces acides gras polyinsaturés. Les poissons également.
Cependant, une personne qui n’aime ni les algues, ni les choux, ni les potages, ni les oléagineux, aura effectivement plus de chance d’être en carence en étant macrobiote, mais pas plus qu’en suivant un autre régime.
Enfin, il est bien facile de s’offusquer que des diètes millénaires provoquent des carences alors que le régime omnivore actuel le plus rencontré dans nos sociétés représente le comble des carences vitaminiques avec :
- Une surcharge de graisses saturées provoquant un excès d’acide urique,
- Une surconsommation de produits sucrés à index glycémique très élevé,
- Un manque de fibre,
- Et une consommation toujours plus grande de produits dévitalisés, industriels, chimiques gorgés de conservateurs, d’arômes artificiels, de protéines isolées de gluten et de lait pour les rendre plus moelleux.
La macrobiotique : un choix personnel.
En conclusion, il n’existe tout simplement pas un régime alimentaire idéal, qui fonctionnerait pour tous. Nous avons tous des constitutions différentes, des besoins, des goûts différents, ainsi qu’un type de flore intestinale (microbiote) qui nous pousse à consommer tel ou tel type d’aliments. Je dirais que le meilleur régime est celui qui vous va bien. Mais pour cela, il faut être attentif à son corps, à ses signes d’alarme comme les douleurs, les gonflements, les nausées, maux de tête, et plus généralement ce qui nous rend lourd, sans énergie.
De la même manière, le corps appelle ce dont il a besoin (j’ai bien dit le corps et non pas les émotions.) Ainsi, si vous êtes végan et que vous avez une envie de sushi ou de viande ne culpabilisez pas. Si vous êtes crudivore et que vous avez envie d’un plat de lentilles au curry, ce n’est pas par hasard.
« Tout est poison, rien n’est poison, seule la dose compte »
Paracelse